Au delà de ses conséquences dramatiques qui sont nombreuses, l’épidémie de coronavirus atout de même eu un effet positif : elle a accéléré de nombreux mouvements de société bénéfiques à tous. Citons notamment le développement du télétravail, de la formation à distance, de la téléconsultation…
En matière de mobilité urbaine, c’est le vélo qui est la fête. Propice à la distanciation sociale, pas du tout polluant c’est le candidat idéal pour soulager les transports publics bondés et délester les centres-villes d’un trop plein de voitures devenu criant.
A la faveur d’un urbanisme tactique et opportuniste, la petite reine s’est donc accaparée l’espace public en mode éclair et c’est tant mieux. On a ainsi vu en quelques jours des installations sortir de terre comme par magie, alors que certaines dispositions faisaient jusque là l’objet de rudes débats et tergiversations depuis de nombreuses années. Comme le dit l’adage : là où il y a une volonté, il y a un chemin.
Une révolution à la force du pédalier
A Orléans aussi, il y a eu une volonté forte de enfin mettre le vélo à sa juste place, c’est à dire au centre de l’urbanisme du 21ème siècle. En quelques jours, c’est une véritable petite révolution qui s’est opérée sous nos yeux : le pont George V a été rendu aux cyclistes ainsi que le rue Royale.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, le pont Georges V est le principal pont du centre ville d’Orléans. Il relie les quartiers sud de la ville au centre historique. Dans le prolongement de l’avenue Dauphine, jolie avenue bordée de belles demeures. Il permet de franchir la Loire et d’accéder à la rue Royale, un axe monumental et pittoresque bordé d’arcades élégantes qui remonte en pente douce ver la place Jeanne D’Arc, cœur de ville.
Ainsi donc, ce pont Georges V si symbolique et fréquenté est désormais majoritairement dédié aux modes de transports doux : un trottoir, deux voies de tramway, deux voies cyclistes et une voie routière dans un sens unique, du sud vers le nord pour permettre aux voitures de facilement pénétrer dans le centre-ville et faciliter le magasinage.
La voie de la raison
Je ne m’en cache pas, cet article est tout à fait parti pris. J’étais de longue date convaincu que cette solution était la bonne pour désengorger le centre des voitures et donner plus d’air à tout le monde. C’est donc avec ravissement, je dirais même jubilation, que j’ai observé le mise en place des plots blancs et de la peinture jaune matérialisant cette nouvelle piste cyclable – hélas temporaire… mais qui sait… nous y reviendrons plus bas…
A lire les réseaux sociaux, le sujet est polémique. D’un côté, les tenants de la voiture grognent contre l’initiative, néfaste pour le commerce, c’est l’argument le plus fréquent et qui complexifie la vie de ceux qui ne peuvent pas aller en ville autrement qu’en voiture.
De l’autre côté, il y a ceux, plus nombreux qui saluent l’initiative qui offre plus de sécurité que l’ancien ersatz de bande cyclable encore visible sur chaque voie routière. Le pont George V est clairement identifié comme LE point noir cyclable d’Orléans par la baromètre vélo delà FUB. Il était temps de faire quelque chose.
Pourquoi tant de tergiversations alors qu’il a suffit de quelques jours pour mettre en place cette solution de bon sens ? Telle est la question qui brûle les lèvres. Beaucoup de considérations politiques sont à l’œuvre voilà tout.
Dans le cadre des élections municipales avortées, le sujet n’est plus vraiment clivant : il y a ceux qui sont favorables à cette voie cyclable en site propre, ceux qui y sont favorables à une expérimentation pour en mesurer l’impact économique et social, ceux qui préfèrent une passerelle dédiée aux déplacement doux. Bref, d’une façon ou d’une autre, nous allions vers un changement bienvenu. La Covid a tout accéléré.
Concrètement, comment cette nouvelle piste cyclable se matérialise t’elle ?
Des plots blancs ont été vissés sur la chaussée et le long de la voie de tram pour délimiter ce nouvel axe vélo. La nouvelle piste cyclable du pont Georges V démarre côté sud de la Loire à la croisée du quai de Prague, du quai des Augustins et de l’avenue Dauphine.
Elle se prolonge donc sur le pont Georges V et débouche sur la rue Royale en face, le quai Cypierre à gauche et le quai du Châtelet à droite.
Un aménagement complémentaire a été ajouté sur un court tronçon du quai Cypierre pour permettre aux cyclistes venant de la piste cyclable longeant la Loire de s’insérer en douceur sur la chaussée pour ainsi éviter un périlleux croisement avec les piétons sur le trottoir attenant. Du côté Quai du Châtelet, rien de nouveau en terme d’aménagements.
Un feu tricolore fixé au bout du pont est dédié aux cyclistes. Attention, il passe au vert en même temps que celui des automobilistes situés sur la voie de droite et qui, pour tourner à leur gauche, vont couper votre trajectoire si vous continuez tout droit.Un réel danger donc méfiance.
Pour permettre le passage des vélos, un peu de goudron a été ajouté au centre du croisement.
Il est ensuite temps de rejoindre la rue Royale en face qui est aussi délimitée par les plots blancs et le marquage jaune au sol. Il est possible de la suivre presque jusqu’à son débouché sur la place Jeanne d’Arc.
Le site Jeanne à vélo propose une revue en détail de la piste cyclable et des commentaires sur les réseaux sociaux ainsi qu’une vidéo filmée de bout en bout.
Utilisation de cette nouvelle piste cyclable
Je me suis posté une heure au niveau du pont Georges V et de la rue Royale pour observer – un verre à la main – le comportement des usagers de la route. Un samedi matin à 11:00, j’ai compté 204 cyclistes ayant empruntés la voie cyclable sur le pont Georges V dans les deux sens.
36 piétons s’y sont aussi engouffrés ravis de l’occasion de pouvoir observer la Loire côté ouest qui ne dispose pas de trottoirs. Il est vrai que le marquage au sol n’indique pas clairement que cette voie est réservée exclusivement aux cyclistes et autres trottinettes. Je n’ai pas eu le sentiment que cela gênait outre mesure le trafic ni ne provoquait un risque considérable d’accident. Il est vrai que je suis assez partisan d’un partage en bonne intelligence de l’espace entre piétons et cyclistes, point qui peut en choquer certains il est vrai. A allure modérée, cela ne présente aucun risque de mon point de vue mais passons…
Pour ce qui est du trafic automobile, il m’a semblé fluide. Pas plus de 15 voitures au maximum se positionnant dans l’attente du passage du feu au vert en tête de pont. Avec une moyenne de l’ordre de 10 véhicules selon la technique de comptage dite humidigitale c’est à dire le doigt mouillé.
Cette piste cyclable peut-elle rester en place définitivement ?
La question est tranchée et oui la piste cyclable a ensuite été pérennisée. Tout le monde en sort gagnant a apriori. Difficile de dire si le commerce en pâtira ou si il en bénéficiera puisque le contexte économique lié au déconfinement et à la reprise est sans précédent.
Pour l’exercice, imaginons que cette piste perdure. On pourrait alors y apporter quelques améliorations. En voilà déjà quelques une selon moi.
- alterner le feu tricolore en tête de pont pour protéger les vélos : ✔︎ cela a été fait depuis
- Effectuer un marquage au sol bien plus visible avec un recouvrement total de la chaussée avec une couleur voyante (bleu et jaune par exemple) pour inciter les piétons à se translater sur le trottoir : ✔︎ fait également
- Améliorer la jonction côté avenue dauphine avec par exemple un arrondi pour rallier une piste cyclable sur la quai de Prague
- Réfléchir sur la place du vélo sur l’avenue Dauphine où aujourd’hui aucun dispositif n’est prévu.. sacrifier quelques places de voiture (places utilisées comme parking relais pour le tram la plupart du temps) pour libérer de la place semble une solution envisageable.